Laura Garcia Vitoria

Territorios del conocimiento/Territoires de la connaissance Sociedad del conocimiento/Société de la connaissance : les regards sur l'identité personnelle et professionnelle dans la société de la connaissance

12/24/2012

Notre entrée dans l’ère des systèmes cognitifs


De nouveaux lieux naissent un peu partout autour de nous, tels que cette boutique qui vient d’ouvrir au cœur du barrio de Salamanca que sa propriétaire Christina Bellinchon appelle «espace interdisciplinaire»… Dans ces «concept store» et autres shoping labs, s’inventent de nouvelles pratiques de choix, de circulation … et d’achat : la Fondation des Territoires de Demain est en train d’inventorier ces nouveaux lieux souvent intimement liés au commerce. Mais face à ces nouveaux lieux, des technologies toutes aussi nouvelles se développent, qu’il est pertinent en ce début d’année 2013 d’évoquer.

Dans l’étude «IBM 5 in 5», diffusée comme chaque année par IBM et à laquelle on se reportera, nous nous rendons ainsi compte que nos ordinateurs et nos smartphones pourront très vite reproduire les cinq sens humains avec notamment la perception des textures, mais aussi la compréhension d’une image, le décodage du langage et la détection olfactive. Nous savons tous précisément que l’une des grandes lacunes du commerce en ligne est l’absence de contact physique avec le produit que l’on achète, un vêtement notamment. Or, selon IBM, ce sens du toucher sera bientôt disponible sur les écrans tactiles : en utilisant la technologie haptique qui génère une vibration lorsque l’on touche l’écran, «il est possible d’élaborer un ensemble de vibrations propre à chaque objet afin de récréer l’expérience sensorielle de son toucher: des séquences courtes et rapprochées ou des séquences plus longues et plus intenses de vibrations». 
En associant cette technologie avec d’autres comme des capteurs infrarouges ou des capteurs de pression, les chercheurs assurent que l’on pourra vraiment «toucher» un produit et en ressentir la texture, celle du lin, du coton ou de la soie dans le cas des vêtements. De quoi effectivement donner une nouvelle dimension au commerce en ligne !

Autre possibilité proche que viennent d’analyser nos collègues de l’Atelier, le shopping mobile va pouvoir se faire par reconnaissance vocale. Maluuba propose en effet depuis peu la reconnaissance vocale pour supporter la recherche vocale d'articles, un pas de plus vers l'expérience d'achat du futur. La fonctionnalité de shopping en ligne y permet aux utilisateurs d'obtenir de l'information sur un article : la nouvelle version met la reconnaissance vocale à portée des utilisateurs pour leurs achats et peut répondre à des demandes comme « Où puis-je acheter des chaussures ? » ou « Je cherche un nouveau mixeur ». Maluuba s'est associé avec des moteurs de recherche pour afficher des résultats sur un certain nombre de sujets, et ce lancement a été l'occasion pour Best Buy et Walmart d'associer leur offre de produits, tout comme pour Google Shopping hors États-Unis.

Leur partenariat avec Wolfram Alpha et Yahoo leur a permis d'élargir le champ de l'application dans les demandes simples. La fonctionnalité de shopping n'étends pas seulement les possibilités d'utilisation de Maluuba, mais elle est également susceptible d'encourager les commerçants à contourner les obstacles liés aux interfaces que rencontrent parfois les clients. Les résultats lancent une interface tactile qui permet au client de les filtrer sur le prix, la marque ou la catégorie d'une façon peut-être plus rapide qu'en affinant la recherche par la voix. Une fois l'article trouvé, on peut l'acheter au travers de l'application et le partager sur les réseaux sociaux. Maluuba gagnerait à s'associer à d'autres partenaires et à améliorer son interface de payement, mais là encore le secteur du commerce mobile peut tirer parti d'une façon plus intuitive de faire ses achats.
De telles applications de shoping mobile prennent ainsi place parmi de nouveaux vêtements connectés et toute l’électronique portée... Juniper Research a publié récemment un rapport dans lequel il estime que les systèmes électroniques portés sur le corps et donnant accès à des services devraient représenter un marché d'1,4 milliard de dollars en 2014. Si le projet Woven développé à l’université d’Utrecht est un concept qui fait de l’ensemble d’un vêtement un véritable élément d'un jeu de rôle, on peut imaginer bien d'autres interactions, notamment dans, là encore, celui du commerce et des interactions directes avec le client en fonction des achats.

On sait que Google de son côté a dévoilé des prototypes de lunettes qui font apparaître des informations devant nos yeux. Résultat de son projet «Glass», ces lunettes sont équipées de la technologie de «réalité augmentée», déjà beaucoup utilisée dans les applications mobiles de géolocalisation. Il s'agit d'une monture métallique relativement discrète, qui semble dénuée de verres si ce n'est un tout petit carré au-dessus de l'œil où apparaissent, comme en surimpression dans votre champ de vision, des informations diverses comme la météo, un itinéraire, un appel en cours, un message reçu…. Les lunettes Google sont aussi équipées de sa technologie de commande vocale (Google Voice) pour déclencher des actions (prendre une photo, lancer un appel, chercher une adresse). Microsoft a de son côté déposé un brevet concernant cette technologie relative à des lunettes permettant à l'utilisateur d'obtenir des informations contextuelles - du texte, des sons ou des images - liées à des événements particuliers.

Le Lab e-commerce créé par la Digital Commerce Factory a contribué à promouvoir de nombreuses autres démarches dont certaines dépassent peut-être les limites de pertinence d’un dispositif tel que celui de la startup Anaxa Vida qui permet de suivre et d’analyser les déplacements des clients dans un magasin à partir de caméras vidéo. Quelle est la fréquentation d’un point de vente ? Quels linéaires attirent les clients ? Combien de produits sont regardés ? Combien sont touchés ? Quel est le taux de concrétisation des achats ?  Trop de questions ne contribuent-elles pas à créer en la matière une vraie info-obésité au lieu d’usages plus réfléchis des systèmes cognitifs qui vont ainsi nous accompagner? Un sujet de méditation en tout cas pour accompagner nos vœux et notre prochain atelier «e-commerce de demain» !


12/17/2012

L'économie de la connaissance aux États Unis

L’Atelier de Paribas vient de diffuser une importante note relative à l'économie de la connaissance impulsée par certains Etats américains.
Cette note fait suite à la publication par la Fondation de la technologie de l'information et de l'Innovation (ITIF) du 2012 State New Economy Index. Nous revenons de loin lorsque l’on se souvient que les premières équipes destinées à rejoindre la Fondation des Territoires de Demain développaient leurs analyses sur la genèse de l’économie de la connaissance il y a de cela une quinzaine d’années…
L’étude de l’ITIF - une institution créée à Washington pour élaborer des propositions politiques nouvelles et créatives pour promouvoir l'innovation et mieux comprendre la nature de l'économie de la connaissance, souligne notamment - à l’instar de travaux des structures bâtisseuses (ARENOTECH, RVN) de notre propre Fondation depuis 1996 - que les états qui montrent ainsi le plus fort taux de croissance et représentatifs de ce que l'ITIF nomme la nouvelle économie - c'est-à-dire l'économie de la connaissance et de l'innovation - sont le Massachusetts, le Delaware, Washington, la Californie et le Maryland.
La Fondation a en effet passé au crible les états selon 26 indicateurs répartis en 5 catégories permettant de voir les capacités des régions à transformer leur économie et à accueillir l'innovation - ces catégories étant la globalisation, le dynamisme économique, la capacité à innover, l'économie digitale et l'existence d'emplois dans le secteur de la connaissance -. Les cinq états en question ont ainsi pu compter sur une stratégie de développement basée essentiellement sur l’innovation (importance des universités, investissements en R&D, investissements dans des projets scientifiques, capacités entrepreneuriales, mise en place de pôles de compétitivité) donnant surtout un avantage extérieur concurrentiel.
Concernant le Massachusetts, le rapport souligne que l'Etat concentre un nombre élevé d'entreprises de logiciels, de matériel, de biotechnologies, ainsi que des universités comme le MIT et Harvard. Le Delaware, se distinguerait comme l'Etat le plus globalisé, avec des lois propices à la création d'entreprises et attirant des sociétés nationales comme internationales: en deux ans, la région est ainsi passée de la quatrième à la deuxième place, notamment grâce à de nombreux investissements dans la R&D et aussi des efforts pour promouvoir une économie verte. Le troisième état, celui de Washington, se distingue par la présence d'une économie aéronautique forte, un entrepreneuriat dynamique et une digitalisation importante de ses entreprises. La Californie fait évidemment montre de la capacité d'innovation que l’on sait au travers de ses clusters. Enfin, le cinquième état, le Maryland, suivi de la Virginie, proposent tous deux une forte concentration d'emplois hautement qualifiés. Arrivé à la dixième place, est évoqué le New Jersey qui enregistre pour sa part une industrie pharmaceutique forte et un écosystème high-tech dense autour de Princeton. Certaines régions - au Sud surtout et dans les plaines - comme le Mississipi, la Louisiane ou la Virginie occidentale  dépendent à l’inverse trop des ressources naturelles ou d’une production de masse très répandue à l’époque de la crise et leur seul avantage concurrentiel est le  faible coût plutôt que la capacité d'innovation.
Une étape à dépasser par nos décideurs devant la géographie des talents en France et en Europe où néanmoins d’autres indicateurs devront être pris en considération en matière d’innovation sociale et d’économie de la créativité, des liens et de l’équité au travers par exemple d’une innovation ouverte et disruptive!

L’horizon des échanges en 2013

L’horizon des échanges en 2013: L’intégration du numérique au réel, l’intelligence de l’accompagnement virtuel et les débuts du e-commerce collaboratif.

Laura Garcia Vitoria, Présidente d’ARENOTECH,
Directrice scientifique de la Fondation des Territoires de Demain

Depuis 2009, la Fondation des Territoires de Demain - aussi bien à travers ses entités créatrices qu’à travers ses outils de suivi et d’observation - analyse en fin d’année les tendances du commerce en ligne. Si l’an dernier il était beaucoup question de m-commerce et d’achat en situation de mobilité, les témoignages fournis au cours de 2012 par les divers acteurs économiques et territoriaux montrent trois axes de développement :
• une interpénétration extrêmement forte entre les dispositifs numériques développés par les espaces commerciaux et les d’achat en ligne
• l’accompagnement de l’acheteur grâce notamment à des outils d’intelligence artificielle - l’exposé de Benoît Feron au sein de notre l’atelier l’a bien illustré - et, parallèlement, l’accent mis sur la sécurité sous toutes ses formes, le second point évoqué dans notre atelier.
• les débuts du e-commerce collaboratif et son entrée dans le monde de la grande distribution.
Avant-Propos : vers «l’ultra-local» ?
Du concept store au web-to-store, on assiste à une interpénétration extrêmement forte entre les dispositifs numériques développés par les espaces commerciaux et les systèmes d’achat en ligne. Comme le soulignent nos collègues de l’atelier, les questions relatives à une telle intégration se sont récemment démultipliées. Ainsi, le magasin ne doit-il pas devenir un lieu de services, de démonstration, de contact et non plus un "simple" point de vente ? Si les consommateurs réclament ainsi une expérience d'achat enrichie, personnalisée et contextualisée, les commerces traditionnels peuvent-ils garder le même visage ? Et cette nécessité d'être partout et sur tous les canaux n'annonce-t-elle pas l'avènement de ce que d’aucuns se mettent à dénommer "l'ultra local" ?
L’accompagnement de l’acheteur grâce notamment à des outils d’intelligence artificielle
Modizy, un coach en mode virtuel, est une jeune start-up a mis au point un algorithme pour aider les internautes à trouver leur style sur les sites de e-commerce, un assistant de shopping personnalisé donc qui propose aux internautes des vêtements adaptés à leur style et à leurs goûts. IL s’agit concrètement d’un site mis en ligne en juin 2012 par trois jeunes fondateurs passionnés par le web et qui ont développé une technique qui propose à chaque utilisateur une sélection de produits choisis selon ses goûts et son style. Ce système mélange de l'analyse comportementale et de l'intelligence artificielle afin de cerner les préférences des internautes en proposant un large choix : 60 000 produits et près de 6 000 marques, avec donc un véritable gain de temps pour les acheteurs ou acheteuses parfois dépassés par l'ampleur de l'offre en ligne. Pour le moment, aucune transaction ne s'effectue sur Modizy, les internautes sont redirigés vers des sites partenaires. «Pour le moment, nous cherchons à constituer une communauté grâce notamment aux blogueuses qui s'expriment sur notre site - nous a indiqué Benoît Feron dans son intervention à notre séminaire - et en à peine quelques mois, nous comptions déjà 6 000 membres actifs. Dès 2013, nous souhaitons mettre sur pied une place de marché en réalisant des opérations spéciales notamment avec des marques». Une autre perspective de développement poursuivie par www.modizy.com est la monétisation des données des utilisateurs connectés, véritable mine d'or pour les marques de vêtements. La start-up vient de lever 210 000 euros et envisage de recruter deux nouveaux collaborateurs dans ses bureaux qui comptent déjà cinq personnes.
Cartes à puce et cartes sans contact
L’autre intervention, celle d’Eric Vernoi (http://cartesapuce-discount.com), a complété l’interactivité de l’ensemble des participants à notre séminaire. Créée en 2012 et grâce à l'expérience passée des dirigeants de CARTESAPUCEDISCOUNT dans le domaine des périphériques destinés à lire les cartes à puce et les cartes sans contact, l’entreprise se positionne en tant que spécialiste dans la distribution de ces accessoires qui sont destinés pour différents types d'applications, comme le contrôle d'accès logique dans les entreprises, lecture de cartes de fidélité, lecture de documents d'identité (Cartes d'identité électronique, permis de conduire électronique, ...). Ainsi, CARTESAPUCE-DISCOUNT offre une gamme complète de produits pour l'utilisation quotidienne des cartes à puce ou des cartes sans contact aussi bien aux entreprises qui souhaitent implanter le contrôle d'accès logique sur les postes de travail, qu'aux particuliers qui seront amenés de plus en plus à utiliser ces produits pour lire leurs documents d'identité électronique en ligne pour différentes applications comme par exemple le paiement en ligne sur un site marchand
Vers l’e commerce de demain : les débuts du e-commerce collaboratif et son entrée dans le monde de la grande distribution
On évoquera en conclusion cette troisième démarche qui montre clairement combien l’économie collaborative et le crowdfunding viennent de passer un nouveau cap, illustré ainsi par le partenariat exclusif du groupe Auchan avec l’américain Quirky. En l’absence de Flavien Dhellemmes qui n’a pu être des nôtres, on évoquera ici cette démarche au travers des toutes premières informations qui nous ont été communiquées et qui illustrent bien une vraie rupture dans le rapport au consommateur. Fondée en 2009 par Ben Kaufman, Quirky est plateforme qui permet en effet aux internautes de transformer leurs idées en véritables produits commercialisables pour 10 dollars, appliquant ainsi le crowdfunding au design industriel: Quirky.com est un site collaboratif qui propose aux particuliers d'inventer des nouveaux produits. Tous les jeudis soirs, la «communauté Quirky», soit tout de même 300.000 personnes, sélectionne les 50 idées sur les 3.000 déposées chaque semaine, qui leur paraissent les plus intéressantes. Le tri se fait au cours de ce qui s'apparente à un show diffusé sur le Net. Ensuite, Quirky fait travailler ses bureaux de conception et les internautes peuvent continuer à bonifier le projet, selon le principe de la cocréation qui fait qu’une fois que l’idée a été choisie par la communauté, l’entreprise dépose le brevet du nouveau produit à son nom et reverse en échange des royalties à l’inventeur et aux internautes qui ont contribué à la naissance du produit. www.quirky.com - dont la plateforme rassemble une communauté revendiquant 250 produits créés depuis son lancement - assure donc le développement du produit, la réalisation d’un prototype, la production et la distribution et Auchan proposera dans tous ses magasins une gamme de 8 produits dès le lendemain de notre séminaire et dès le 1er trimestre 2013 les internautes français auront la possibilité de déposer leurs idées de création sur www.auchan.fr, via l’un des 100 000 codes promotionnels mis à disposition et donnant droit à un dépôt d’idées gratuit, fondant ainsi l’e-commerce 3.0 qui oublie le consommateur passif qui se contente de ramasser sur une gondole le produit que le distributeur a bien voulu y déposer, appuyant par là-même précisément l’intégration de l’espace physique et des échanges virtuels. L’un améliorera l'aspect technique, un autre trouvera le nom du produit... Au final, deux produits sont lancés chaque semaine. L'invention est envoyée en production et, cent jours après le dépôt de l'idée, le produit est distribué dans les 20.000 points de vente partenaires de Quirky aux Etats-Unis, dont les supermarchés Target et la chaîne spécialisée Bed Bath & Beyond », auxquels s'ajoute Amazon, le leader mondial de l'e-commerce. Chaque maillon de la chaîne se partage 40 % des bénéfices encaissés par Quirky en fonction de sa contribution: l'inventeur touche 30 %, les autres les 10 % restants. La seule invention du nom rapporte 1 %. L'idée est de «répondre aux petits problèmes du quotidien», le design souvent en plus. Quirky devient de la sorte la future boîte à idées d'Auchan en cherchant les idées innovantes dans la tête de ses clients. Pour Robert McDonald, CEO de Procter&Gamble, les idées innovantes sont moins dans la tête des chercheurs en interne que dans celle des consommateurs. "Les gens veulent être impliqués. Donner la parole au client c'est la voie de l'avenir". Ici, Auchan achète les produits en même temps que le concept: le but est de proposer dans les magasins des produits imaginés, créés, conçus et améliorés par les consommateurs. Avant de mettre en 2013 ses consommateurs à contribution, le distributeur avait d’ailleurs déjà sollicité en 2011 ses salariés à travers un concours interne "Creative Attitude" pour faire émerger des innovations potentielles. Voilà qui illustre singulièrement les dispositifs d’innovation ouverte et de rupture développée par les Living Labs que nous accompagnons (http://www.relai.org).

12/09/2012

Dialogue sur l’humanisme de demain


Échanges avec un collègue s’inquiétant du peu de visibilité dont font preuve ses entourages et contemporains…

Très cher ami,

Je vais tenter de répondre à tes préoccupations et recherches sur ce que tu appelles «le pouvoir de la technologie numérique»… Je m’efforcerai par la suite de formuler les arguments nécessaires afin que nous nous mobilisions pour cette économie de la connaissance et des savoirs qu’il est à présent urgent de contribuer à mettre en place. Tu t’inquiètes de voir les sciences incorporer à leur méthodologie les  nouveaux apports de la culture numérique, alors que précisément les humanités, l’histoire de l’art… paraissent ne pas avoir enrichi leur méthodologie de cette façon. Ce qui attire en effet de manière générale l’attention est le peu d’intérêt que suscite ce «nouveau pouvoir de la technologie numérique» dans ses rapports avec les sciences sociales et humaines. J’admets qu’il s’agit là à la fois d’un thème polémique et complexe, tant il est vrai que les «nouvelles technologies» ouvrent leur horizon à de nouvelles méthodologies.

En vérité, nous nous trouvons au départ devant un double état des lieux:

1 - d’une part, on ne peut que constater la multiplication au sein de jeunes entreprises innovantes de technologies de mise en valeur du patrimoine historique ou des sciences humaines.

2 - d’autre part, les universités et institutions cognitives privées et publiques ignorent de fait totalement l’énorme travail réalisé par les experts jeunes ou moins jeunes qui font interagir les sciences humaines avec les champs technologiques sans faire partie de ces institutions en matière d’applications utiles et rentables dans des domaines par exemple d’itinérance cognitive ou de réalité augmentée…

Je te comprends donc complètement, mais il est de fait que la majorité des institutions évoquées n’ont vu à ce stade de leurs priorités ni le moindre intérêt public, ni encore moins le bien commun. Je pourrais ici citer bien des exemples vécus, mais je me restreindrai aux frontières du «politiquement correct».

Tu m’évoques à titre d’illustration le dernier congrès national d’histoire de l’art, mais ne se perçoivent là que les reflets du jeu universitaire des deux dernières décennies, et non à l’évidence la réalité actuelle tant sociétale que culturelle, tant économique que technologique.

On n’y trouve là surtout aucun des mouvements intellectuels qui caractérisent nos horizons d’aujourd’hui et de demain, qu’il s’agisse de ce que l’on appelle «la science de la nuit» ou encore la «science sans théorie».

En ce qui concerne l’alphabétisation numérique (notamment dans le monde littéraire), il est important de noter que celle-ci a complètement changé de statut et l’essentiel des réussites que l’on peut noter en ce domaine sont indépendantes des institutions et souvent récupérées par des acteurs qui les développent à leur seul profit, sous forme notamment de projets européens et internationaux

IL faut bien sûr évoquer la création de grandes bases de données numériques (big data) avec la finalité de faciliter la  communication et l’échange d’information entre différents systèmes et entités, mais l’utilisation des bases de données ouvertes représente bien plus que cela en conférant aux divers acteurs une réelle capacité d’accéder aux données publiques et de transformer celles-ci en services spécialisés utilisables par tous.

On assiste bien au-delà au développement d’outils numériques concrets dans quasiment toutes les catégories de sciences humaines, comme le montrent les nombreuses rencontres organisées à l’attention justement des jeunes entreprises innovantes. Constatons néanmoins objectivement que les acteurs anglo-saxons savent utiliser de telles présentations et réalisations à leur seul bénéfice… Tout cela sans que nombre de chercheurs s’en aperçoivent !

Notons aussi que de nouvelles hypothèses et de nouvelles questions émergent de la part d’une nouvelle génération de chercheurs. C’est précisément le cas de quelques espaces d’innovation publics ou privés qui organisent tout autrement la transmission des connaissances, de nouvelles structurations méthodologiques et de nouvelles manières surtout d’échanger les savoirs.
Tu évoques à cet égard l’utilisation de licences libres et le travail collaboratif de manière générale, ceci tant naturellement entre les chercheurs de l’art et des sciences humaines que tu évoques que les informaticiens et autres développeurs d’outils que nécessite notre économie de la connaissance en émergence. L’interdisciplinarité est incontestablement à redécouvrir dans ses fondements de demain! La sémantique utilisée a en effet changée et précisément celle de liens entre disciplines qui reflètent une économie basée sur la relation
Il en est ainsi du travail collaboratif qui à ce jour ne bénéficie pas encore de cadres d’action efficaces et équitables qui, on peut l’espérer, permettront à l’avenir de répartir les bénéfices espérés en fonction du travail réellement réalisé.

De manière générale, les agrégations de données précédemment évoquées permettent aujourd’hui des horizons à l’évidence plus ouverts que tout ce que les outils du XIXème siècle nous avaient conduits à rechercher. C’est à ces nouveaux défis et à bien d’autres qu’il nous faut aujourd’hui consacrer l’essentiel de nos forces. Et c’est à un gigantesque travail de transition qu’il nous faut désormais nous consacrer!